

La série I des Archives départementales de la Somme a été classée anciennement sans avoir été dotée d'un inventaire. L'opportunité d'exploiter ces fonds s'est présentée avec la célébration du quatrième centenaire de l'Édit de Nantes en 1998. La nécessité d'un instrument de recherche est alors apparue.
La série I des Archives départementales de la Somme, qui représente une longueur totale de 0,24 mètres linéaires, est constituée de dix-neuf articles répartis en trois ensembles distincts.
Le premier, peu abondant, mais d'un très grand intérêt, est constitué par des épaves de documents concernant les synodes provinciaux et l'exercice du culte protestant dans le ressort de l'actuel département de la Somme. Ces documents ont été regroupés dans un seul article (I 1), en dépit de leur grande hétérogénéité. Les deux autres ensembles correspondent aux registres paroissiaux protestants.
Les documents de ce premier ensemble très fragiles et très abîmés ont bénéficié d'une restauration. Il ont d'abord été microfilmés, puis numérisés en 2011.
Comme toute l'Europe, la Picardie est touchée dès le premier tiers du XVIe siècle par des mouvements réformateurs. Il s'agit alors pour ces hommes, souvent d'Église, de trouver une plus grande pureté théologique et une voie plus sûre vers le salut.
Paradoxalement, alors qu'elle ne sera jamais une terre protestante, la Picardie donne naissance à de nombreux réformateurs. Lefèvre d'Étaples et Gérard Roussel, ce dernier originaire de Vacquerie, sont tous deux membres du groupe de Meaux, précurseur de la Réforme française. Robert Olivétan, auteur d'une traduction de la Bible, et bien entendu Jean Calvin sont tous deux de Noyon. Lefèvre est l'un des premiers théoriciens de la justification par la foi que reprend Jean Morand, chanoine d'Amiens, dans l'une de ses prédications. Cette affirmation, entre autres, lui vaudra d'être l'objet d'une procédure menée par le chapitre cathédral d'Amiens en 1534.
Ces premières graines amènent à la création de petites communautés réformées. En butte à des persécutions dans les années 1540, les réformés doivent partir ou se cacher. Ce n'est qu'à partir du tournant des années 1560, en trouvant des protecteurs puissants tels Condé, gouverneur de Picardie, ou la famille d'Ailly de Picquigny, vidame d'Amiens, que les protestants amiénois peuvent sortir de leur clandestinité. L'interdiction du culte en 1561 est une preuve par l'inverse de son existence. Ce n'est qu'après la première guerre (1562-1563) que les protestants amiénois peuvent tenir régulièrement leur culte.
La Picardie est le théâtre de luttes très violentes pendant les guerres de Religion. Dans les années 1580, elle devient le bastion de la Ligue catholique menée par la famille de Guise. Comme pour tout le royaume, l'Édit de Nantes autorise la liberté de conscience et établit les lieux de culte. Cet édit, résultant des négociations menées entre le roi, devenu catholique, et les représentants des protestants, tient également compte des exigences formulées par l'Église et par les seigneurs catholiques. C'est ainsi que le vingt-neuvième article particulier de l'Édit de Nantes entérine ce que Mayenne, gouverneur ligueur de Picardie, avait obtenu : aucun temple n'est autorisé dans les ressorts des bailliages d'Amiens, d'Abbeville et de Péronne. En revanche, deux temples le sont dans le ressort du gouvernement de Picardie, à Desvres, près de Boulogne-sur-Mer, et au Haucourt, près de Saint-Quentin.
Toutefois, par l'article 7 de l'Édit, l'exercice de la religion réformée est autorisé dans le domicile principal des seigneurs haut-justiciers. C'est ainsi que les protestants d'Amiens se rendent au culte à Wargnies, dans le château des Saint-Delys de Heucourt, ou bien à Havernas ou Guignemicourt.
Les protestants obtiennent également l'autorisation de se réunir pour régler les problèmes théologiques et disciplinaires. Les églises se réunissent d'abord en colloques, puis en synodes provinciaux. Chaque église députe à ces réunions son pasteur et un ou deux de ses anciens, laïcs chargés de la gestion de l'église. Ces réunions sont surveillées par des représentants du roi, l'un catholique, l'autre protestant. L'application de l'Édit, à l'origine de nombreuses contestations de part et d'autre, est contrôlée par les commissaires de l'Édit qui doivent trancher lors des conflits.
Tout au long du XVIIe siècle, l'Édit est appliqué de plus en plus strictement. Cette application « à la rigueur » aboutit à l'édit de Fontainebleau d'octobre 1685 qui révoque celui de Nantes, en constatant que la pluralité religieuse n'existe plus dans le royaume de France. Dans la réalité, cela signifie l'interdiction de toute existence légale pour des milliers de réformés. Tout est fait, des missions à la conversion forcée, pour les ramener dans le giron de l'Église catholique. Si certains choisissent l'exil et partent pour des pays protestants, d'autres restent et pratiquent secrètement leur culte. Les Picards peuvent ainsi aller faire baptiser leurs enfants ou se marier dans les « places de la barrière », c'est-à-dire les forteresses de la frontière, comme Tournai, où le culte est autorisé.
Il leur faudra attendre l'édit de novembre 1787 pour avoir de nouveau une existence légale. La persécution est proscrite et si la religion catholique reste la seule religion publique, ils peuvent désormais faire légalement enregistrer leurs baptêmes ou leurs mariages par les curés ou un officier de justice.
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