"Dons de mémoire" 2013-139 : archives de la famille Perriraz-Maitrugue

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"Dons de mémoire" : collecte d'archives privées sur la Grande Guerre

Présentation du contenu

La famille Perriraz-Maitrugue a fait don aux Archives départementales de la Somme d'un ensemble de documents concernant leurs ancêtres à Athies durant la Grande Guerre. Il s'agit principalement des mémoires de Marie-Louise Bugnicourt-Maitrugue.

Marie-Louise Bugnicourt est née à Athies (Somme), le 18 mars 1892. Elle est la fille de François Bugnicourt, maçon, et de Marthe Josse, couturière. Elle relate dans ses écrits ce qu'elle a vécu durant la Grande Guerre alors qu'elle n'était qu'une adolescente : trois évacuations, la privation, l'occupation, la mort de son père, ses longs périples en zone occupée, les destructions, etc. Dans une seconde partie, ce fascicule reprend le récit de Pierre Maitrugue racontant son histoire durant la guerre, de sa mobilisation à sa capture, puis son évasion.

Pierre Maurice Maitrugue est né le 28 juin 1898 à Bians-les-Usiers (Doubs). Il est le fils de Léon Maitrugue et de Marie Guyon. Il exerce la profession de charcutier. Pierre Maurice Maitrugue est incorporé à compté du 2 mai 1917. Il passe au 142 Régiment d'Infanterie le 16 avril 1918. Déclaré disparu au combat en Champagne le 15 juillet 1918, en fait, il est fait prisonnier le dit jour. Il s'évade le 31 juillet 1918 et rentre au dépôt le 4 septembre 1918.

"Mes Mémoires" (1914-1922) par Marie-Louise Maitrugue-Bugnicourt, suivi du récit de Pierre Maurice Maitrugue, soldat durant la Grande Guerre (1917-1918)

Cote/Cotes extrêmes

134J182 (Cote(s))

Date

1990

Organisme responsable de l'accès intellectuel

Archives départementales de la Somme

Caractéristiques physiques

fascicule

Origine

Maitrugue-Bugnicourt Marie-Louise (1902-1990) ; Maitrugue Pierre Maurice (1898-1983) ; Perriraz Maitrugue Françoise

Biographie ou Histoire

Marie-Louise Bugnicourt est née à Athies (Somme), le 18 mars 1892. Elle est la fille de François Bugnicourt, maçon, et de Marthe Josse, couturière.

François Bugnicourt est né le 13 septembre 1876 à Iwuy (Nord). Il est le fils d'Edmond Bugnicourt et de Marie Catherine Pamart. Rappelé à l'activité par décret du 2 août 1914, il arrive au corps le 7 août. Il est réformé le 21 décembre 1914 en raison d'une bronchite chronique. Maintenu réformé n° 2 par décision du Conseil de révision de la Seine le 29 juin 1915, arrêté ministériel du 15 avril 1915. (Feuillet matricule n° 1211, classe 1916, bureau de Péronne). Il décède dans un hôpital parisien (?) sans avoir revu sa famille. Les réformés n°2 sont des soldats qui, suite à une blessure ou une maladie non imputable au service, ont une infirmité ou une mutilation ; ils ne bénéficient ni de pension, ni de gratification renouvelable, mais ils sont soignés tant que l'exige leur état de santé.

Pierre Maurice Maitrugue est né le 28 juin 1898 à Bians-les-Usiers (Doubs). Il est le fils de Léon Maitrugue et de Marie Guyon. Il exerce la profession de charcutier.

Pierre Maurice Maitrugue est incorporé à compté du 2 mai 1917. Il passe au 142 Régiment d'Infanterie le 16 avril 1918. Déclaré disparu au combat en Champagne le 15 juillet 1918, en fait, il est fait prisonnier le dit jour. Il s'évade le 31 juillet 1918 et rentre au dépôt le 4 septembre 1918. Il est décoré de la "Médaille de la Victoire", de la Médaille des Evadés" et il est cité à l'ordre de la Division : "Bon et brave soldat ayant été fait prisonnier le 15 juillet 1918 en Champagne après un des combats, emmené en captivité a réussi à s'évader et à regagner nos lignes malgré l'intensité des feux des mitrailleuses allemandes".

Quatre oncles de Marie-Louise Bugnicourt furent mobilisés :

- Josse Joseph né le 3 mars 1890 à Athies, cité à l'ordre du 137e Régiment d'Infanterie n° 432 du 16-12-1918 : Au front depuis le début de la campagne a pris part comme soldat de 2e classe aux batailles de la Marne, de l'Argonne (1914), Champagne (1915), puis comme sous-officier agent de liaison à Thiaumont Bezonvaux (1916), Chemin des Dames (1917). Sergent major depuis juin 1917 a assuré le ravitaillement de sa Cie avec zèle est dévouement, n'a cessé d'être un auxiliaire précieux pour son Commandant de Cie, décoré de la Croix de Guerre étoile de bronze ;

- Josse Emile né le 3 octobre 1891 à Athies, caporal au 101e Régiment d'Infanterie mort au combat à Prosnes (Marne) le 15 juillet 1918 ;

- Josse Henri né le 22 septembre 1888 à Athies, mobilisé dans un régiment d'artillerie ;

- Bugnicourt Edmond né le 1er novembre 1872 à Thun-Saint-Martin (Nord), engagé volontaire, mobilisé le 1er août 1914, renvoyé dans ses foyer le 28 août 1914, rappelé à l'activité par télégramme le 26 mars 1915, arrivé au corps le 25 mai 1915, réformé n°2 par décision de la commission de réforme d'Amiens le 16 septembre 1915, rappelé à l'activité le 7 octobre 1915, arrivé au corps le 16 février 1916, détaché aux Etablissements Delaunay-Belleville à Saint-Denis le 24 mars 1916.

Présentation du contenu

Il s'agit des mémoires de Marie-Louise Bugnicourt, épouse Maitrugue, née à Athies (Somme). Elle relate ce qu'elle a vécu durant la Grande Guerre alors qu'elle n'était qu'une adolescente. Dans une seconde partie, ce fascicule reprend le récit de Pierre Maitrugue racontant son histoire durant la guerre, de sa mobilisation à sa capture, puis son évasion.

Voici quelques extraits de ces deux histoires :

"[...] 1914 - Les Allemands arrivaient ; ils n'étaient pas loin de notre commune ; on commençait à être gagné par la peur ; notre voisin qui était cultivateur nous suggéra, à ma mère et moi, de partir avec lui et sa famille du côté de Paris, "car les Allemands ne pourraient pas passer la Somme". C'était mal connaître les chefs de ces derniers. Nous partîmes en chariot avec un bon cheval et nous atteignîmes Nesle [...] en route pour Montdidier, toujours dans le département de la Somme ; nous y sommes arrivés en même temps que les Allemands ; impossible d'aller plus loin. [...] Toute la journée, les soldats passaient en chantant, scandant "nach Paris". [...] Mais il fallait prendre une décision ; nous étions perplexes lorsque l'on nous dit : "L'état-major allemand est installé près de la gare ; allez trouver ces Messieurs et dites leur que vous voulez rentrer à Athies." Sitôt dit, sitôt fait. Le passeport fut accordé pour les vingt personnes qui étaient dans le chariot [...]. C'est ainsi que nous avons retrouvé notre commune. Malheureusement, il y avait eu du pillage, tant par les civils que par les militaires. Toutefois, on pouvait coucher dans nos lits. [...]"

"[...] 1915 - Quelques temps après on vint demander à ma mère la permission de loger un officier qui venait d'arriver à Athies pour savoir où on en était avec la guerre ; [...] Une anecdote qu'il faut relater : nous allions quelques fois dans notre cuisine, qui n'était pas réquisitionnée, pour préparer des pommes de terre, car nous n'en étions pas privés à ce moment-là et maman faisait des frites bien dorées pour notre repas du midi. Notre officier quitta son bureau pour voir sauter les pommes de terre qui lui faisaient envie et demanda à ma mère de lui faire des frites tous les jours à la française. Pour nous ce fut le lieutenant "Patates" [...]. Quelques jours après, ordre des Allemands, le crieur public nous fait savoir qu'ils allaient réquisitionner tous les objets de cuivre, de laiton, d'étain, de bronze, etc. Mon père qui était musicien possédait deux barytons, ma mère avait des chandeliers et d'autres choses moins importantes ; il fallait prendre une décision. On leur a livré l'ancien baryton avec quelques objets moins importants, puis on est parti planter des pommes de terre dans un champ qui nous appartenait. Nous avions une brouette et cela nous arrangeait bien. Notre travail accompli, nous sommes allés un peu plus loin, à l'orée d'un bois, pour y enfouir profondément nos paquets [...] en espérant les retrouver plus tard ; personne ne nous avait vus [...]. C'est seulement après l'armistice que nous avons pu aller à la recherche de notre butin ; on a vu que les Allemands avaient creusé dans tranchée à proximité du petit bois. Nous avons eu une chance extraordinaire : tout a été retrouvé. [...]"

"[...] Nous avions toujours quelque chose à attendre de l'ennemi ; c'est ainsi qu'un Allemand vient nous dire qu'ils allaient abattre le noyer qui était dans notre jardin ! Par une fenêtre, j'ai suivi l'opération, car cela me fit mal au coeur : je demande à un soldat pour quelle raison ? Il me répond pour faire des crosses de fusils. [...]."

"[...] Quelques jours plus tard [juillet 1915], on appelle maman pour lui remettre une lettre venant de Ham. Voilà comment on a pu avoir des nouvelles ; le soldat allemand venait à Athies pour des affaires militaires ; il a fait la commission qu'on lui demandait. Merci ! Hélas ! c'était pour lui annoncer le décès de mon père ; ces nouvelles été transmises par un soldat français prisonnier en Allemagne qui rentrait à Ham pour se soigner : les Allemands renvoyaient chez eux les soldats français fort atteints. Je ne sais pas comment mon père avait fait sa connaissance. Sur sa lettre, il faisait savoir qu'il avait espéré revenir chez nous, mais il n'a pas pu. Après l'inquiétude, ce fut la douleur ; ma mère se remet à sa couture ; elle cherche dans son armoire et trouve des tissus noirs qu'elle va travailler de façon que nous pouvons porter le grand deuil toutes deux. On ne savait rien de plus. [...]."

"[...] 1916 - Les chefs militaires français ne tardèrent pas à demander à l'ennemi de faire évacuer tous les habitants d'Athies. Un attaque imminente et notre vie était en danger ; l'aviation était prête à intervenir à chaque instant ; c'était sérieux. Ce n'était pas pour rien que les avions français et anglais nous suivaient pour voir si on évacuait vraiment. [...]."

"[...] 1917 - Et nous voilà en janvier 1917. Nous nous préparons de nouveau à partir en France libre, sans savoir de quelle façon. Cette fois c'est du sérieux : on ne tolère ni journaux, ni livres, no photos ; les valises sont visitées [...]. Au bout de quelques jours nous arrivâmes à Metzservisse (Moselle). Nous n'avons jamais (entendu) parler de cet endroit. Nous y sommes arrêtées cinq heures sans bouger ; il fallait laisser passer les trains de soldats que l'Allemagne envoyait par-ci par-là pour relever les troupes des tranchées [...]. Nous voilà reparties ; cette fois on entre en Allemagne [...]. Notre voyage n'était pas fini ; ma mère le supportait mal. La Croix-Rouge s'occupait de notre santé. une de ces dames me dit en regardant maman : "Elle est à bout". Je le voyais bien. Nous avons compté avec Andréa (une personne d'Athies...) que nous avons mis presque une semaine depuis notre départ pour arriver à Siegen (frontière allemande-suisse). Nouveau contrôle avant d'entrer en Suisse... Nous passons facilement, mais derrière nous Andréa et ses deux enfants, une fois les valises ouvertes, celles -ci sont fouillées jusqu'au bout et l'ennemi trouve une photo de son mari, et dit : "Vous devez savoir que c'est interdit". Il prend la photo et la met en miettes. [...]"

"[...] [juillet 1917] Revenons à notre point de départ [...] Vite nous allons rue de la Gare où était notre maison ; il a fallu bien chercher pour retrouver un tas de pierres et de hautes orties, en nous demandant : Est-ce bien la nôtre ? J'au vu ma mère pleurer à chaudes larmes et, pour mon compte, j'ai dit : "Je ne reviendrai jamais à Athies". Il y avait des personnes d'Athies qui étaient revenues ; on nous a dit une centaine (je n'ai pas vérifié). Elles habitaient dans des baraques en bois, ce qu'on a appelé après la guerre les baraques Adrian. [...]."

"[...] 1918 - [...] L'attaque allemande. Quelques jours plus tard (février), grand chambardement parmi la troupe anglaise et coloniale qui s'apprêtait à partir. On demande : "Pourquoi et où allez-vous ?" Nos amies viennent nous informer que l'armée allemande arrive à grand pas (ce qu'on n'avait pas prévu). Ils attaquent à grands renforts et veulent absolument traverser la Somme. Ordre de Berlin. Qu'allions nous faire ? Il faut partir. [...]. Voilà ma mère dans tous ses états. On prend une valise avec du linge, et on part pour la troisième fois. Mais on n'a pas de véhicule, il faut aller à pied, direction Amiens. Les Anglais qui prenaient la même direction n'ont jamais voulu nous transporter. On était harassé, on n'en pouvait plus. A Amiens, c'était épouvantable : le monde arrivait de partout, des avions allemands nous repéraient.[...]"

"[...] Voici l'épopée de Maurice (Maitrugue) dans la campagne contre l'Allemagne : Né le 28 juin 1898 [...] il est entrée au service le 2 mai 1917 au 44 Régiment d'Infanterie à Lons-le-Saunier [...]. Début 1918, départ pour la Champagne, devant Pruney, proche du fort de la Pompelle [...] le 15 juillet il fut fait prisonnier après un dur combat. Enseveli en partie par les bombardements, il est touché au visage, mais a refusé l'évacuation ; début juin, l'ennemi les gratifia d'obus à gaz. il en fut sérieusement incommodé. il aurait pu se présenter au major, mais l'attaque allemande étant imminente, l'évacuation n'était admise que pour des cas graves [...]."

"[...] Le 23 juillet, à 23 heures, il s'évadait du camp allemand. Après d'innombrables difficultés, il traversa les lignes ennemies et ses barbelés, et vers 4 heures du matin environ, il franchit les petits postes avancés éloignés de 15 mètres environ. Ne pouvant plus aller plus loin, il fut contraint de se réfugier, pour passer la journée, dans un trou d'obus, et d'attendre la nuit pour continuer [...]."

"[...] C'est donc en raison de cette épisode que mon père [C'est Françoise Maitrugue qui écrit] a été décoré de la médaille militaire à Paris, et a eu l'honneur de ranimer la flamme du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. [...]."