"Dons de mémoire" 2013-25 : archives de la famille Verhaeghe

Déplier tous les niveaux

Cote/Cotes extrêmes

134J69 (Cote(s))

Modalités d'entrées

"Dons de mémoire" : collecte d'archives privées sur la Grande Guerre

Présentation du contenu

La famille Verhaeghe a confié aux Archives départementales de la Somme la numérisation d'un ensemble de documents concernant leurs ancêtres Gaston Verhaeghe, Raoul Verhaeghe et Cyrille Peltier.

Gaston et Raoul Verhaeghe, fils d'Hilaire et d'Estelle Sévin de Boves (Somme), ont eté mobilisés durant la Grande Guerre, le premier sur le front d'Orient, le second à Verdun.

Cyrille Peltier était l'époux de la fille d'Hilaire et Estelle Sévin.

Cette famille de Boves a payé un lourd tribut, puisque Gaston, Raoul et Cyrille sont décédés durant ce conflit. Il faut noter qu'un autre membre de la famille sera tué durant la seconde guerre mondiale.

Gaston, né en 1891 à Boves (Somme), est mort au champ d'honneur à Mayadag (Grèce) le 10 octobre 1916. Il avait 25 ans.

Raoul, né en 1897 à Boves (Somme), est mort au champ d'honneur près de Verdun (Meuse) le 25 août 1917. Il avait 20 ans.

Cyrille, né en 1880 à Suzanne (Somme), est mort à l'hôpital militaire temporaire n° 10 à Amiens le 10 avril 1916. Il avait 36 ans.

Carnet de route du soldat Gaston Verhaeghe du 45e Régiment d'Infanterie

Cote/Cotes extrêmes

134J69 (Cote(s))

Date

20 février 1916-8 octobre 1916

Organisme responsable de l'accès intellectuel

Archives départementales de la Somme (version numérique)

Caractéristiques physiques

Carnet de route

Particularité physique

Couleur
Papier
9,4 x 14,7 cm fermé ; 18,8 x 14,7 cm ouvert

Présentation du contenu

Gaston Ernest Verhaeghe est né le 7 novembre 1891 à Boves. Il est le fils d'Hilaire Verhaeghe, peintre, et d'Estelle Sévin.

Soldat au 45e Régiment d'Infanterie durant la Grande Guerre, il part sur le front d'Orient. Il est tué à l'ennemi le 10 octobre 1916 dans la région de Mayadad en Grèce (NO), au lieu-dit "Locomotive", Crêtes Rocheuses.

Voici quelques extraits de son carnet de route qui s'achève le 8 octobre 1916 :

20 FévrIer - Dimanche. Nous avons repos, je lave mon lnge. Vers 2H je trouve A. Delattre qui me présente un artilleur du 17eme qui habite rue Lemerchier à Amiens puis on va voir le match de foott-ball Anglais contre Français. Il y a de très bons joueurs dans notre équipe tel que Delnetz T. mais les Anglais sont très forts et gagnent par 4 buts à 0 [...]

26 Février - Samedi. On travaille le matin mais après-midi exercice dz défilé avec musique devant le commandant. il y a de l'abus ensuite déploiement en tirailleurs puis on rentre, on trie les lettres et les colis. J'ai 5 ou 6 lettres dont 2 de ma petite Gaby, 1 de Maman, 1 de Raoul, 1 de Cyrille, 1 carte de G. Touzet et 1 d'E. R. [...]

Vendredi 20 avril. [...] je reçois aussi 1 colis de mes chers parents où il ya des Bouchées assorties, une boîte de thon, 1 de sardine, 1 savon anti moustiques et une pierre contre les totos, des bonbons, du tabac, des cigarettes, quelques journaux [...]

Jeudi 4 mai. Repos toute la journée. Revue en tenue de campagne complète, le sac à dos est bien lourd, gare ce que l'on va prendre car il fait une chaleur torride. Nuit mouvementée car un Zeppelin est venu vers 2H du matin, de certains l'ont vu, un bombardement intense d'obus éclairants et d'autres vers 3H un feu se déclare [...]

16 août. Le 3e Bataillon vont faire de la reconnaissance tous les jours et sont souvent en contact avec les Bulgares car ils doivent aller prendre les avants postes sur le Piton Blanc et l'Etoile où les Bulgares y ont déjà les leurs, car nous sommes très près des lignes bulgares maintenant et je crois que c'est notre dernier bond avant le suprême effort sans doute. Seulement je me trouve encore dans un état qui me répugne, oui, cela est honteux, dégoûtant et je crie honte à moi-même parfois. Pourtant ce n'est pas ma faute, car exemple, voici près de 12 jours que je n'ai pu me laver. Le jour je suis entièrement tenu par le poste de signaleurs et la nuit je cours à ma section [...]

Aujourd'hui 8 (octobre). j'écris chez nous ainsi qu'à ma petite Gaby [...] Nous devons partir cette nuit pour aller derrière les positions. Enfin, nous verrons cela demain.

Le carnet de Gaston Verhaeghe s'achève sur ces mots. Il meurt au cours des combats des 9 et 10 octobre 1916 près de Mayadag.

.

Elise Bourgeois, Archiviste paléographe, conservateur du patrimoine, Directrice adjointe des Archives de la Somme, a étudié ce carnet dns la cadre de la journée d'étude consacrée à Maurice Genevoix aux Vernelles le samedi 28 septembre. Elle écrit :

[...] Une grande émotion s'est emparée de moi lorsque, participant comme tous mes collègues des Archives de la Somme à cette collecte, j'ai accueilli M. Claude Verhaeghe, venu proposer à la numérisation les documents relatifs à deux de ses grands-oncles, dont l'un, Gaston a laissé un témoignage identique à celui de Maurice Genevoix. En effet, nous avons pu faire les clichés numériques et mettre à disposition du public un carnet de route de 100 pages, écrit et dessiné sur le front d'Orient, en Grèce du 20 février au 8 octobre 1916.

Ce carnet comporte à la fois la vie au jour le jour de Gaston Verhaeghe, né à Boves dans la Somme et appartenant au 45e Régiment d'Infanterie, stationné à Salonique et quelques dessins. Le donateur s'est plongé dans l'histoire et le parcours de son oncle, a transcrit le carnet, de manière manuscrite, tout comme Paul Dupuy avait pu le faire des carnets de Maurice Genevoix. Il a mené une enquête minutieuse sur les lieux traversés par son grand oncle et a même fait un voyage sur place en Grèce et en Macédoine, se rendant compte que le cimetière où est enterré son ancêtre est maintenant un terrain vague envahi par la végétation.

Le carnet est un témoignage poignant sur la vie sur le front d'Orient et sur la découverte de l'Autre, au sens large. Gaston Verhaeghe parle beaucoup des conditions de vie, notant les détails de la vie quotidienne : les manœuvres militaires "toujours le même travail, on part à midi pour une marche manœuvre, on rentre à 5h, j'en ai marre", ses amitiés avec quelques camarades "je rends visite à Bellenger qui est un charmant garçon. On parle longtemps du pays" ; "je suis heureux car j'ai une bonne escouade, de vrais camarades, un caporal épatant qui bien souvent le soir nous fait du thé ou du café même du chocolat", son dégoût pour d'autres à l'hygiène douteuse "je suis rempli de totos de la faute de P. qui est dégoutant, ne se lavant jamais. Cela est affreux". Il souligne ses rencontres avec la population locale, hommes et femmes, notamment lors d'une scène d'enterrement. Il écrit "les officiers en profitent pour prendre des clichés. Cela est intéressant vraiment. C'est la religion orthodoxe je crois. [&]On mange la soupe puis on se couche. Il ya repos jusqu'à demain 7h malgré que notre tente est montée sur des tombes, nous dormons comme des loirs".

Ce carnet, tout comme celui de Genevoix nous fait plonger dans l'intimité de l'âme d'un homme et dans son désarroi face à la solitude et l'éloignement. Voici quelques citations, prises tout au long du récit: "Je m'ennuie fort d'eux tous." "J'écris à mon petit frangin Raoul mais cela me semble louche que j'ai pas de nouvelles du tout de chez nous. Bonsoir à tous que je n'oublie pas". "J'écris à ma petite Gaby car je suis en retard de deux jours mais je ne sais quoi lui mettre. Toujours la même vie ici". "Je ne sais ce que j'ai mais je suis pris d'une mélancolie, d'ennui et de tristesse. Je voudrais être loin, loin d'ici. Tout me dégoûte et je voudrais avoir quelqu'un à qui je pourrais dire toute ma détresse et libérer ma conscience de cet ennui. Mais non. Je suis seul. J'ai bien quelques camarades mais ils se moqueraient de moi car ils ne sont pas assez intimes." "Je souffre d'être toujours ainsi séparés de ces êtres chers que j'aime tant. Je termine [il écrit une lettre à sa femme] car tant plus je vais le cafard me prend d'avantage. Pourtant il faut que j'écrive et leur mentir".

Le carnet se termine de manière dramatique et poignante. La dernière mention manuscrite de Gaston Verhaeghe, évoquant une manœuvre est "nous verrons cela demain". La date est le 8 octobre 1916. Les documents officiels mentionnent qu'il est décédé le 9 ou le 10.[...]

Langue des unités documentaires

Français

Mots clés lieux

Mots clés typologiques