Jacques Gogois est né le 11 février 1907 à Amiens. Il est le fils d'Emile Gogois, professeur de dessin au Lycée d'Amiens, et d'Augustine Sarazin. En 1914, Jacques est alors âgé de 7 ans. Sa tante Marie Roze, dit "Tante Mi", épouse du sculpteur Albert Roze, l'encourage à tenir un journal de vie. Marie Roze est aussi son professeur de piano. Jacques pose ses premières écritures sur un cahier le 24 février 1914. Il tiendra ce journal jusqu'à l'âge de 13 ans. Ses écrits sont régulièrement contrôlés par sa tante, qui émarge avec des remarques, des conseils et des encouragements. Les premiers écrits sont ceux d'un jeune garçon de 7 ans. Ils sont simples et naïfs, mais sincères. Progressivement, l'écriture et le style évoluent, les phrases et la pensée se structurent, le jeune garçon réfléchit, analyse et comprend le sens des choses. Jacques Gogois affirme également son goût pour les arts plastiques. Ses cahiers sont agrémentés de nombreux dessins, croquis et aquarelles qui démontrent son réel talent dans ce domaine artistique.. Il agrémente aussi ses écrits de coupures de presse, mais aussi de photographies familiales et d'éléments plus insolites, comme des mèches de cheveux des membres de la familles, de pièces de monnaie, etc. Parfois, certaines photographies plus anciennes sont insérées. Il s'agit de documents rétrospectifs sur des évènements ou souvenirs familiaux, comme par exemple le mariage de sa tante Marie avec Albert Roze en 1902. La guerre, il en parle au travers de la correspondance entretenue avec son frère Jean, qui se bat à Verdun, puis rejoint un régiment de chars de combat en 1918. Il en parle aussi au travers de ses observations ou de ses lectures : les passages de troupes, les prisonniers de guerre, les bombardements, etc. Cette chronique est exceptionnelle, car elle donne la vision de la vie quotidienne d'un enfant amiénois durant et après la Grande Guerre. Par la suite, Jacques fait ses études à Grenoble. Il devient électricien. Un accident de travail assez grave le contraint à arrêter définitivement son activité professionnelle. Doué dans les arts plastiques, il devient alors artiste peintre. En 1938, il épouse à Luton (Angleterre), Phyllis Maragret Emily Carpenter, jeune fille au pair de la famille. Jacques Gogois est décédé à Le Cannet (Alpes-Maritimes) le 6 décembre 2001.

Quelques extraits du journal (au regard de la transcription littérale de la plume de cet enfant, le texte a été reformulé avec les corrections orthographiqueset grammaticales) :

- Jeudi 12 octobre 1916 : Hier aprèmidi nous avons reçu une lettre de Jean, il va toujours bien, et il disait qu'il repartira avec ses camarades à la fin du mois d'octobre sans doute à Verdun où il était avant. Il y a quelques jours je lui est écrit, en lui envoyant un mandat de 2f, ainsi qu'à mon filleul qui vient encore d'être blessés, il y a quelques jours qu'il est guérit, il à était dans un hopital, d'Abbeville sur Somme. Il y a quelques joursque Marcel est partit à Paris, faire ses études d'architecte. Mimine à fait quatre petits chats, grand-père en à tuer trois, et on élève l'autre, pour chercher à le placé. Je fait bien mon piano. Cette aprèmidi, nous avons été à Longeau, chercher des fruits, il n'y avait que des pommes et des poires. Quand nous sommes revenus on à vus une dizaines de boches. Des canons, et beaucoup d'autos-bus et d'autos. Nous étions beaucoup fatiguer. [Jeudi 12 octobre 1916 : Hier après-midi, nous avons reçu une lettre de Jean. Il va toujours bien et, il disait qu'il repartira avec ses camarades à la fin du mois d'octobre, sans doute à Verdun où il était avant. Il y a quelques jours, je lui ai écrit, en lui envoyant un mandat de 2 francs, ainsi qu'à mon filleul qui vient encore d'être blessé, il y a quelques jours qu'il est guéri, il était dans un hôpital, d'Abbeville sur Somme. Il y a quelques jours que Marcel est parti à Paris, faire ses études d'architecte. Mimine à fait quatre petits chats, grand-père en a tué trois, et on élève l'autre, pour chercher à le placer. Je fais bien mon piano. Cet après-midi, nous sommes allés à Longueau, chercher des fruits, il n'y avait que des pommes et des poires. Quand nous sommes revenus on a vu une dizaine de boches, des canons et beaucoup d'autobus et d'autos. Nous étions très fatigués.]

- Vendredi 23 mars 1917 : L'offensive (mot barré) L'avancée franco-anglaise se ralentit car les boches se défendent maintenant...

- Samedi 26 mars 1917 : Nous avons reçu une lettre de Jean. Les allemands fortifient le Mont Saint-Quentin...

- Jeudi 7 juin 1917 : J'ai fait mes devoirs. L'après-midi nous avons été au cinéma. Papa, Thérèse, Paul, moi et un anglais ordonnance d'un officier qui a loué une des chambres de maman...

- Lundi 11 juin 1917 : Nous avons reçu une lettre de Jean et une de Marcel, ils sont tous les deux en bonne santé. Le père de mon oncle Albert est mort hier soir; pauvre oncle Albert, il va en avoir du chagrin. (Le faire part de décès de Domice Roze, père d'Albert Roze, est collé à la date du jour).

- Samedi 19 mars 1918 : Jean est parti dans les tanks !!!... C'est malheureux car c'est une arme très dangereuse. Les gothas ont été sur Londres (57 victimes) et sur Paris pendant la nuit. Il y a toujours beaucoup de dégâts...

- Jeudi 14 mars 1918 : Nous avons reçu une lettre de Jean. Le raid des 60 gothas, d'hier, sur Paris : 4 des gothas ont été abattus après leur crime. Les gothas ont faits 106 morts, 79 blessés. 66 personnes ont été étouffées dans un abri. Beaucoup de femmes et d'enfants tués. Un hôpital fut détruit par les bombes : 6 morts, 7 blessés. D'énormes dégâts matériels. Nous avons été à Picquigny à pied (24 km)...

- Lundi 25 mars 1918 : Les français ont été au secour des anglais. La terrible bataille se continut. Les gothas sont venus pour la 3e fois. La maison a tremblée, le tabouret de piano est tombés fenêtres et portes s'ouvraient ! A Longueau : une bombe est tombée sur un train de munition qui a sauté pendant plus de 2 heures. Toute la gare de Longueau est rasée. 6 torpilles sont tombée sur le Roy Donpierre près du jardin des plantes : il ne reste plus rien : une dizaine de maisons de détruites : le Roy Donpierre est tués, sa bonne, sa femme, son enfants sont tués aussi. A saint-Acheul, boulevard Pont-Noyelle : beaucoup de bombes. Une bombe est tombée sur la place du Cirque, une autre sur le boulevard, 2 sur la voie ferrée... [Les français ont été au secours des anglais. La terrible bataille continue. Les gothas sont venus pour la 3e fois. La maison a tremblée, le tabouret de piano est tombés fenêtres et portes s'ouvraient ! A Longueau : une bombe est tombée sur un train de munition qui a sauté pendant plus de 2 heures. Toute la gare de Longueau est rasée. 6 torpilles sont tombée sur le Roy Donpierre près du jardin des plantes : il ne reste plus rien : une dizaine de maisons de détruites : le Roy Donpierre est tué, sa bonne, sa femme, ses enfants sont tués aussi. A Saint-Acheul, boulevard Pont-Noyelle : beaucoup de bombes. Une bombe est tombée sur la place du Cirque, une autre sur le boulevard, 2 sur la voie ferrée...]