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Depuis des années, David Rosenberg, historien et ancien archiviste et coordonnateur de la Coalition Urgence Darfour Pittsburgh, se rend à Amiens, en France, pour faire des recherches historiques sur le mouvement protestant dans la ville aux XVIe et XVIIe siècles.
Puis, durant l'été 2011, David Rosenberg s'est retrouvé très impliqué dans un autre projet en vue de commémorer les Juifs d'Amiens qui ont été déportés pendant l'occupation entre 1940 et 1944.
Ce projet s'est principalement construit en collaboration avec Guy Zarka, président de la communauté juive d'Amiens, Cécile Marseille, conseillère municipale de la ville d'Amiens, chargé de la liaison avec les groupes d'anciens combattants et les organisations représentant les victimes de la Seconde Guerre mondiale.
A partir de cette collaboration a émergé l'idée de constituer une collection d'archives concernant l'histoire de la communauté juive dans la Somme. David Rosenberg a recensé et sélectionné de nombreux documents issus de collections publiques ou privées. Ces archives ont été numérisées et mises en ligne par les Archives départementales de la Somme, pour servir l'histoire de la communauté juive dans la Somme.
Présentation du contenu
Lettre de Paul Kammermann adressée le 21 septembre 1963 à l'ACIS. Cette lettre apporte un témoignage sur l'histoire de la communauté juive durant la deuxième guerre mondiale à Amiens.
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Origine
Présentation du contenu
Cette lettre est un témoignage important sur pour comprendre une partie de l'histoire de la communauté juive à Amiens entre 1938 et 1942.
Voici la transcription réalisée par David Rosenberg et Olivier de Solan le 15 janvier 2013 :
21-9-[19]63
[De la part de] Kammerman Paul 112 Bialik-Str Ramat-Gan [Israel]
Sehr geehrter Herr und Madame Lehr!
Bitte Sie vielmals um Entschuldigung wenn ich Sie mit diesem Briefe belästige, um mir eine dringende Bitte zu erfüllen, wenn es Ihnen, natürlich, keine Schwierigkeiten bereitet.
Die österreichische Regierung verlangt von mir für die Zeit Januar 1939 bis zu meiner Deportation von Drancy nach Auschwitz, da ich bis zu dieser Zeit in französischen Lagern interniert war und nicht während dieser Zeit gearbeitet habe.
Es wurde mir und der österr[eichischen] Regierung genügen wenn Sie mir eine Eidesstaatliche Erklärung von einer offiziellen Behörde oder Notair bestätigt wird, einsenden.
Es sind allerdings 24 Jahre verstrichen und deshalb möchte ich Sie lieber Herr Lehr in Erinnerung bringen, trotzdem ich genau wei, da Sie es nicht vergessen haben, denn, wie Sie und Ihre Frau Gemahlen zu uns Emigranten in jener Zeit war, bleibt bei uns Emigranten von damals unvergesslich. Anbei sende ich Ihnen eine genaue Liste und ein Bild von mir, sowie Bestätigungen um Ihnen wahrheitsgemä die Tatsachen genauest zu schildern. Nun bitte ich Sie lieber Herr Lehr, mir nur das zu bestätigen, an was Sie sich genauest erinnern können.
Bitte Sie höflichst nicht böse zu sein, wenn ich Sie bitte nach möglichkeit es zu erledigen und kann in französischer Sprache alle Ihre Aussagen vermerkt und bestätigt werden, da es sich um die Erhöhung meiner KZ [Konzentrationslager] Invalidenpension zu erhöhen da ich aus Auschwitz mit dem linken Fu der gefrieren ist, handelte.
Im voraus meinem innigsten herzlichsten Dank für Ihre Mühe und selbstverständlich bin ich für die etwaigen Spesen mit Dank aufzukommen.
Auch wurde es mich riesig freuen, wenn Sie lieber Herr Lehr mit Ihrer lieben Frau Gemahlin hier in Erez [Israel] zu begrüen und sehr gerne zu Ihren Diensten stehen. Lendner (?) war auch voriges Jahr hier. Also, mehrmals vielen Dank in voraus für ihre Mühe und verbleibe Sie sowie Ihre Gemahlin herzlichste Grü auch Ihr.
Paul Kammerman
P.S. Auch die besten Grüe von meiner Frau (da ich nochmals geheiratet habe. Da meine erste Frau im KZ umkam).
Anbei
1 Foto 4 Personen
2 Enveloppen
1 Bestätigung Dr. Pin (wenn möglich bitte mir diese 3 Beiliegen zurück zu senden)
1 Liste zur Ihrer Einsicht
Liste :
1) Die Prefecture von Paris hatte mich nach AMIENS meinen Aufenthalt Residenz-forcé bestimmt - Ende 1938 - da ich EX-AUTRICHIENNE Emigrant war.
2) In Amiens erhielt ich volle unterstutzung von Emigranten-Fond.
3) Am 7-9-1939 wurde ich nach ROSSIER überführt
4) Am 22-9-1939 wurde ich nach St. Just en Chaussee überführt
5) Am 28-10-1939 wurden wir nach Brunvillier la Motte interniert und kamen alle nach Amiens retour bis monat april-mai 1939 [sic]
6) Am 18-5-1940 kam Inspektor LEFEVRE auf meinen arbeitsplatz LEROUX FRERES wo ich als aushilfsarbeiter beschäftigt war (2 enveloppen anbei) und verhaftete mich und die anderen und warf uns in den TURM
7) Am 19-5-1940 wurden wir zu Fu gejagt. LEFEVRE mit seine Gendarmen.Wer nicht kannte wurde gepeitselt geschlagen , so passierten wir St-Just DREUX-TOURS
8) 16-6-1940 habe ich und Speth Max offene Wunden an den Füen und konnten trotz Schläge von der Gendarmerie nicht weiter, ich sah ein Kloster, habe Speth mit Gewalt mitgeschleppt und dort wurden wir versteckt und blieben in Spitalsbehandlung (anbei Bescheinigung Dr. PIN)
9) kam nach PARIS wo ich mich mit Speth 1 Jahr versteckte
10) Am 10-1-42 hat uns der Wolkenstein der mit der Gestapo gearbeitet hat unser Versteck verraten und bin nach Pithiviers interniert worden, Speth wollte über die Schweizer grenze und ist erschossen worden.
11) Am 9-5-42 bin ich nach Compiegne überführt worden von wo ich am 22-6-42 nach Drancy überführt wurde und nach Auschwitz kam.
Le 7 janvier 2013, David Rosenberg a communiqué aux Archives départementales de la Somme une présentation contextuelle de la lettre de Paul Kammermann :
En 2012, une lettre manuscrite en allemand datée du 21 septembre 1963 est retrouvée dans les Archives de la Synagogue d'Amiens. Cette lettre est adressée à Simon Lehr, Président de l'Association Cultuelle Israélite de la Somme.
L'auteur est un nommé Paul Kammermann, qui écrit de Ramat Gan en Israël. Il a rencontré Simon Lehr 25 ans auparavant, juste avant la deuxième guerre. "Nous n'avons pas oublié", écrit-il, "combien vous et Mme Lehr étaient généreux envers nous émigrés".
L'objet de sa lettre est d'obtenir de M. Lehr une attestation, soit gouvernementale, soit notariale, afin de pouvoir solliciter une augmentation de sa pension de "survivant" auprès des autorités autrichiennes. Il lui faut pour cela une confirmation qu'entre 1939 et 1942, il est retenu dans des camps d'internement français et n'a donc pas travaillé.
Dans une liste jointe à la lettre, Paul Kammermann rappelle à M. Lehr les péripéties de sa vie d'émigré à partir de 1938, qui se conclue avec son arrestation à Paris et sa déportation de Drancy vers Auschwitz en 1942. Ce fut un parcours triste, ponctué par des actes de cruauté, de trahison, et, dans un cas exceptionnel, de charité. Mais, M. Lehr "doit seulement attester les faits".
La lettre et la liste de Paul Kammermann sont très instructives en les comparant à d'autres documents de cette période de guerre.
Le nom de Paul Kammermann se trouve déjà sur deux recensements des étrangers et des juifs dans la Somme, réalisés par les autorités françaises sous le joug de l'occupation allemande. (Sources : Archives municipale d'Amiens, 4H4 129 et Archives départementales de la Somme, 26W210).
De ces listes, datées de septembre 1940, on apprend que Paul Kammermann est né à Budapest le 10 juin 1899, qu'il est divorcé, qu'il est chauffeur mécanicien, qu'il vit pendant deux ans en France et qu'il demeure au numéro 29 de la rue Blasset à Amiens.
Max Speth et Alfred Wolkenstein, deux autres réfugiés de l'Est mentionnés par Paul Kammermann, dans la liste jointe à sa lettre, se trouvent également sur les recensements d'Amiens à la même époque. Pour Max Speth, il est indiqué qu'il est né le 13 janvier 1890 à Vienne, qu'il est célibataire, qu'il est en France depuis deux ans, qu'il est sans profession et qu'il habite au numéro 11 de la rue Pierre l'Hermite. Pour Alfred Wolkenstein, on apprend qu'il est né le 16 mars 1895 à Vienne, qu'il est célibataire, qu'il demeure en France depuis deux ans, qu'il est manoeuvre, qu'il habite au numéro 18 de la rue Duthoit à Amiens.
Que nous apprend précisément la lettre de Paul Kammermann ?
1) D'abord, on voit que la communauté juive d'Amiens, assumant une plus grande cohérence organisationnelle depuis les années 1930, avec notamment la dédicace de sa nouvelle synagogue en novembre 1935, est en position d'étendre son entraide à ses homologues de l'Est de l'Europe fuyant l'Hitlérisme. Ce même Simon Lehr auquel la lettre est adressée est à cette époque le trésorier de l'Association Cultuelle des Israélites de Ia Somme (A.C.I.S.) et il existe aussi une Société de Bienfaisance, sous la direction du manufacturier André Daniel. "A Amiens, j'étais pleinement soutenu par un fonds pour les émigrés", écrit Paul Kammermann.
2) Jusqu'à la découverte de ce document, il semble un peu mystérieux que ces immigrés choisissent Amiens pour destination. Est-ce par espoir d'un emploi ? Plusieurs personnes qui ont recherché leur histoire familiale l'ont supposé, en notant toutefois que leurs parents fuyant leur pays, sont arrivés à Paris puis à Amiens et non pas directement dans la capitale picarde. Or, Paul Kammermann semble résoudre ce mystère quand il écrit au début de sa liste chronologique: "A la fin de 1938, la Préfecture de Paris a déterminé qu'Amiens serait mon lieu de séjour résidence forcée, puisque j'étais immigré ex-Autrichien".A partir de cette description, on a tout à raison d'interpréter l'arrivée à Amiens des immigrés juifs tel que Paul Kammermann comme une assignation à résidence dictée par la politique des autorités françaises de juste avant la guerre et non pas un acte volontaire.
Avant la fin de 1940, presque tous les immigrés juifs d'Amiens sont une nouvelle fois déplacés. "Dirigés sur l'Yonne", c'est la mention indiquée à côté de leurs noms dans un autre recensement des Juifs fait à Amiens vers juillet 1942 (Source : Archives départementales de la Somme, 25W92). Beaucoup d'entre eux sont aussi envoyés à Drancy et, de là, à Auschwitz où ils ont péri. (Source : Base de données, en ligne Centre de Documentation Juive Contemporaine, Mémorial de la Shoah, Paris).
3) Certains autres détails du document sont aussi intéressants. Paul Kammermann est transféré dans plusieurs camps d'internement avant de revenir à Amiens, où il travaille pour la société Leroux Frères. C'est là, sur son lieu de travail, qu'il est arrêté le 18 mai 1940 par l'Inspecteur Lefèvre et jeté avec d'autres dans le "Turm" (peut-être le Beffroi d'Amiens). Une marche forcée s'en suit. Lui et son camarade Max Speth ont des plaies ouvertes aux pieds. Il parle ensuite d'une évasion. Il traîne Max Speth difficilement vers un couvent hôpital où ils sont soignés par miséricorde par le Docteur Pin (dont en 1963, Paul Kammermann a reçu une attestation). A Paris, Paul Kammermann et Max Speth se cachent pendant un an, mais leur cachette est dévoilée, prétend t'il, par un autre ex-camarade, Alfred Wolkenstein. Paul Kammermann est arrêté et transféré à Pithiviers, puis à Compiègne et ensuite à Drancy, d'où finalement il est déporté à Auschwitz par le convoi 32, le 14 septembre 1942. Max Speth, entre temps selon Paul Kammermann a tenté de passer la frontière suisse, mais il est abattu !
La lettre de Paul Kammermann est très policée. Il invite même M. et Mme Lehr à lui rendre visite en Israël. Mais ces politesses cachent peut-être une dorme d'ironie. En effet, les Lehrs et certains autres amiénois ont à l'époque les moyens et la possibilité matérielle ou simplement la bonne fortune, de trouver un asile à l'extérieur au début de la guerre. Après la guerre quelques-uns reviennent à Amiens pour essayer de reprendre leur vie. En revanche, les immigrés comme Paul Kammermann et Cilly Affrenkraut, et quelques familles juives enracinées qui avaient choisi de rester à Amiens pendant l'Occupation, comme les Schulhof, ont souffert d'un sort tragique et de ruptures permanentes.
Notes :
-Selon les archives du Mémorial de la Shoah, il semble que Max Speth ne fut pas tué en tentant de passer la frontière suisse, mais qu'il fut interné à Rivesaltes, puis déporté de Drancy à Auschwitz avec le convoi 40, le 4 novembre 1942.
-Au moment de l'arrestation de Paul Kammermann et Max Speth, on sait qu'Alfred Wolkenstein habite au 15 rue Riboutté dans le 9e arrondissement de Paris et que Paul Kammermann, habite au 5 rue Saulnier, également dans le 9e arrondissement. Donc l'idée que Wolkenstein a trahi Kammermann et Speth n'est pas exclue compte tenu de cette proximité géographique. Toutefois, Alfred Wolkenstein a été lui-même arrêté et transporté de Drancy à Auschwitz en juillet 1942, avec le convoi 12, deux mois avant Paul Kammermann. Tandis que Paul Kammermann a survécu, Alfred Wolkenstein et Max Speth semblent avoir laissé leurs vies à Auschwitz.
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